L’origine de l’aperçu monographique des Singes que je présente aujourd’hui au public date de plus de cinquante ans, c’est-à-dire de l’époque où je fus attaché au Musée des Pays-Bas. J’avais même commencé d’élaborer, avec feu I. B. Fischer, l’auteur du Synopsis Mammalium, une histoire détaillée des Mammifères; mais ce travail fut suspendu, presque dès le commencement, par la mort prématurée de ce savant bibliographe. Je vis dès lors plus clairement que jamais, qu’une entreprise pareille ne saurait être terminée avec succès qu’à l’aide de collections bien plus amples que celles dont on pouvait disposer à cette époque. Il s’agissait, en conséquence, de rassembler des matériaux nouveaux et de former, autant que possible, des séries d’individus tués dans des localités bien déterminées. Ce sont plus particulièrement nos voyageurs et nos correspondants dans plusieurs parties du monde qui ont fourni les moyens de s’avancer vers ce but. Quoiqu’il soit dans la nature des choses que ce but n’ait pu être atteint d’une manière satisfaisante, je n’ai plus hésité de faire connaître les résultats qu’offrent l’examen des matériaux réunis avec tant de soins et de sacrifices. La connaissance exacte des êtres réside, en effet, dans celle des individus tués dans différentes localités, puis réunis dans un établissement quelconque en assez grand nombre et par séries, afin de démontrer leur organisation, les conditions de leur existence, les différences d’âge et de sexe, ainsi que celles dues aux variations individuelles; car c’est par ce seul moyen, que l’on peut en déduire le terme souvent conventionnel de ce que l’on veut appeler espèce: ces thèses-là comprennent tout, c’est là toute la science. Ayant choisi ce système dans tous mes travaux, on verra par l’énumération des individus de notre collection, combien de lacunes il reste à remplir avant de pouvoir fixer d’une manière tranchante les traits distinctifs de chacune des espèces observées jusqu’à ce jour. Pour prouver la justesse de cette assertion, il suffira de conduire le naturaliste le plus versé dans cette branche d’études, dans le premier Musée venu, dans une ménagérie, même à une foire où il y a des singes vivants, afin de s’apercevoir combien de fois il se trouve dans l’incertitude ou au défaut, et cela même à l’égard de certaines espèces les plus communes.