ARDEA. L’histoire naturelle des hérons a été excessivement embrouillée par certains naturalistes, grâce à l’ignorance des phénomènes que ces oiseaux présentent, à l’amour de la multiplication des espèces, comme à celui de la complication de l’échafaudage des classifications modernes. Pour ne citer qu’un seul exemple, pris sur les Hérons blancs ou Aigrettes, on doit, en effet, s’étonner à juste titre, comment on ait pu créer jusqu’à vingt espèces de cette division, sans même parvenir à en caractériser d’une manière précise les six espèces que l’on en peut raisonnablement adopter. Avant d’étudier les espèces de hérons, il convient de noter les points suivants. Les mâles sont, en général, d’une taille un peu plus forte que les femelles; mais il y a des exceptions individuelles à cette règle. La taille de ces oiseaux varie quelquefois plus ou moins sensiblement suivant certaines localités (voir nos observations sur les Ardeae purpurea, garzetta, minuta et nycticorax). — Les variations individuelles que présentent la plupart de ces oiseaux en général sont quelquefois assez saillantes. D’abord, il arrive souvent que certains individus offrent une taille supérieure à celle qu’atteint ordinairement l’espèce à laquelle ils appartiennent; tandis que d’autres individus se font remarquer par une taille moins forte. Il en est de même des proportions relatives de leurs différentes parties, notamment de celles du bec, du tarse, des jambes, des doigts et des ongles; et il arrive même que les differentes parties de l’un pied présentent des variations sensibles d’avec celles de l’autre pied du même individu. — Les couleurs des parties nues ont également donné lieu à de graves méprises. On sait que ces couleurs changent plus ou moins considérablement après la mort des oiseaux, que ces changements subissent des modifications individuelles très considérables suivant les conditions sous lesquelles le dessèchement s’opère dans chaque cas particulier, et qu’ils ont même lieu dans l’oiseau vivant lorsqu’on le porte la tête en bas (voir Wilson, édit. in 8°, 3. p. 4). Il est de fait encore que les couleurs de ces parties changent avec l’âge dans beaucoup d’espèces; et on ne paraît non plus s’être rendu compte des variations individuelles qui existent sous ce rapport. Ces variations sont, en effet, dans certaines espèces, d’autant plus sensibles qu’elles se présentent quelquefois dans le même individu suivant la symmétrie bilatérale, puisqu’il arrive souvent que l’un des pieds offre, soit en partie, soit dans toute son étendue, des couleurs différentes de celles de l’autre pied: ce phénomène étant très saillant dans certaines espèces telles que la garzette et l’Ardea gularis, nous en avons plus particulièrement fait mention en traitant de ces oiseaux. Certaines espèces, savoir la plupart des Demi-Aigrettes, offrent enfin le phénomène très curieux que leur plumage est tantôt d’un blanc uniforme, tantôt pourvu de teintes plus ou moins foncées, et l’on verra par les détails donnés plus bas, que ce phénomène n’a pas encore été étudié sous toutes ses phases.